Au retour du fameux bain aux aurores des Sadhus dans le Gange, des images plein la tête et un peu épuisés, nous laissons le mouvement continu de la dense foule grouillante nous porter en direction de notre camp éphémère, afin de nous remettre de nos émotions et nous y reposer.
C'est alors que j'aperçois au loin un jeune garçon dont l'aura me captive, comme s'il portait l'âme du monde dans ses yeux d'enfants, trônant sur les épaules de son père tel un prince en deuil, venant le devinera-t-on après coup, répandre les cendres de sa mère défunte dans le fleuve sacré.
Alors qu'il file en sens inverse à toute vitesse, je réalise que le privilège de cet instant sera de courte durée. Je fais signe à Olivier, qui réagit avec promptitude et s'empare de son appareil. Il tente de s'extraire au mieux de l'oppressante forêt de corps et se met en position, s'appuyant de tout son long sur ses camarades de fortune.
Le temps s'arrête, intense, onirique, suprême. Je cligne des yeux et tout ça hélas, n'est déjà plus qu'un souvenir. Le jeune prince s'en est allé.
Abasourdi, j'interroge Olivier du regard, alors qu'il range son appareil. Je reconnais sur son visage cet air calme et mesuré qui me donne bon espoir. «On verra», dit-il.
Nous sourions.
"L'aura d'un prince" Kumbh Mela 2019, Inde, Sylvain.
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